Réforme de l’impôt des sociétés : Ma Très Petite Entreprise, désavantagée ?

Mes articles précédents consacrés à la réforme de l’impôt des sociétés laissent perplexe certains lecteurs.

Plusieurs pensent et sont même convaincus que la TPE reste désavantagée par rapport à la PME, en conséquence de quoi cette réforme leur paraît très éloignée des promesses annoncées.

D’autres regrettent, à juste titre, que les effets de la réforme n’aient pas été véritablement modélisés afin d’en mesurer les conséquences sonnantes et trébuchantes.

Bien que je me sois rompu à l’exercice de diverses simulations, le reproche m’est fait que je compare de l’avant avec de l’après, partant de là, mon raisonnement serait tronqué.

Je vais donc me positionner différemment dans l’exercice suivant.

Tout d’abord éclairons le débat sur la notion juridique d’une TPE vs une PME. Sur un plan fiscal, du moins dans le débat qui nous occupe, cette différentiation ne me paraît pas parlante.

Ces notions font appel uniquement à des critères de taille, de chiffre d’affaires et d’emplois.

  • TPE : Très petite entreprise
    • Moins de 10 salariés
    • Chiffre d’affaires ou total du bilan inférieur ou égal à 1.000.000 EUR
  • PE : Petite entreprise
    • Moins de 50 salariés
    • Chiffre d’affaires ou total du bilan inférieur ou égal à 10.000.000 EUR
  • PME :
    • Moins de 250 salariés
    • Chiffre d’affaires inférieur ou égal à 50.000.000 EUR ou total du bilan inférieur à 43.000.000

Toutes mes simulations précédentes s’accordent donc aussi et surtout à la notion de TPE vu la modicité des résultats fiscaux comparés.

Les simulations suivantes ont pour objectif de se positionner à la place du chef d’entreprise, qui souvent, pour de petites structures cherche avant tout à savoir comment sortir l’argent de sa société et combien lui restera-t-il net en poche sur le bénéfice de sa société une fois distribué.

En effet la rétribution du dirigeant-associé, outre ses émoluments, ses avantages de toutes nature peut aussi s’articuler sur les dividendes distribués sur le résultat net (donc après impôt) de l’entreprise.

Cas n° 1

En 2017, la TPE ‘x’ dégage une base imposable de 25.000 EUR

Elle entre dans les critères du taux réduit et donc sera taxée à 24,98% de ce montant.

Après impôt le résultat net s’élèvera à 25.000 – 24,98% = 18.755 EUR

Ce montant n’est toujours pas dans la poche des associés ou actionnaires.

Imaginons que l’AG de l’entreprise (ou son dirigeant – associé unique s’il est seul) décide de distribuer le bénéfice restant en dividendes.

Premier problème, dans les conditions actuelles de l’accès au taux réduit, il existe une limite fixée à 13% du capital libéré au début de la période imposable en ce qui concerne l’octroi de dividende sur le résultat.

Le plus souvent la TPE, une SPRL disons, aura un capital social de 18.600 EUR, encore faut-il que ce dernier soit totalement libéré pour pouvoir distribuer un maximum de 2.418 EUR (13% de 18.600 EUR) de dividendes sans perdre le taux réduit. En gros, un montant fort faible.

Si l’entreprise passe outre et décide de renoncer au taux réduit et de distribuer le solde elle expose donc son résultat au taux plein, qui s’élèvent à 33,99%.

Le calcul devient :

Résultat imposable 25.000

Impôt taux plein 33,99%

Résultat net à affecter : 16.502,50 EUR

Affectation du résultat de 16.502,50 EUR en dividendes

Précompte mobilier 30 % retenu, dividendes nets à distribuer : 11.551,75 EUR

En résumé, l’associé unique ou associés, récolte(nt) 11.551,75 net poche sur le bénéfice distribué (qui était au départ, avant tout impôt de 25.000 EUR)

Pression fiscale totale : 53,8%

Après la réforme reprenons les mêmes données de simulation :

En 2018 (2020 ?), le calcul devient :

Résultat imposable 25.000

Impôt taux réduit 20 % (*)

Solde net : 20.000 EUR

Affectation du résultat net 20.000 EUR en dividende

Précompte mobilier 30 %, dividendes nets à distribuer : 14.000,00.

(*) le verrou des 13% du capital libéré saute dans la nouvelle réforme et ne force donc plus la PME à renoncer au taux réduit si elle distribue plus que ce seuil en dividendes.

En résumé, l’associé unique ou associés, récoltent 14.000,00 net poche sur le bénéfice distribué (qui était au départ et avant tout impôt de 25.000 EUR)

Pression fiscale totale : 44 %

Résumé sur une base de 25.000 de résultat

2017 pression fiscale 53,8%

2020 pression fiscale 44%

Gain total après réforme : 2.448,25 EUR

Cas n° 2

En 2017, la TPE x dégage une base imposable de 50.000 EUR

Elle entre dans les critères du taux réduit et donc sera taxée au taux réduit progressif de ce montant.

Après impôt le résultat net s’élèvera à 50.000 – 14.227,50 (impôt) = 35.772,50 EUR

L’entreprise passe outre et décide de renoncer au taux réduit et de distribuer le solde elle expose donc son résultat au taux plein, qui s’élèvent à 33,99%.

Le calcul devient :

Résultat imposable 50.000

Impôt taux plein 33,99%

Résultat net à affecter : 33.005,00 EUR

Distribution du résultat de 33.005,00 EUR en dividende

Précompte mobilier 30 %, dividendes nets à distribuer : 23.103,50.

En résumé, l’associé unique ou associés, récoltent 23.103,50 net poche sur le bénéfice distribué (qui était au départ et avant tout impôt de 50.000 EUR)

Pression fiscale totale : 53,8%

Après la réforme reprenons les mêmes données :

En 2018 (2020 ?), le calcul devient :

Résultat imposable 50.000

  • L’entreprise opte pour le taux réduit, pour ce faire elle doit donc relever la rémunération du dirigeant à 45.000 EUR ou à concurrence du résultat imposable si inférieur. Puisque l’on compare avec avant, l’entreprise allouait 36.000 EUR, l’écart à combler est donc de 7.000 EUR pour répondre au nouveau critère taux réduit.

Impôt taux réduit 20 % (*) après adaptation rémunération dirigeant

redistribution du résultat 50.000

7.000                                                                      43.000

  • rému. complémentaire 7.000  résultat subsistant

CASTI sur complément : –  1.478                                                    Résultat imposable 43.000

IPP sur complément : – 2.657                                                          Impôt réduit 20,00%

Rému net poche  net : 2.864,00 EUR                                            Résultat  net : 34.400,00

Distribution du résultat de 34.400 EUR subsistant en dividende

Précompte mobilier 30 %, dividendes nets à distribuer : 24.080,00.

Net poche : 2.864 + Dividendes perçus 24.080 = 26.944,00 EUR

Pression fiscale totale : 46,11 %

Résumé sur une base de 50.000 de résultat

2017 pression fiscale 53,8%

2020 pression fiscale 46,11%

Gain total après réforme : 3.840,50 EUR

Imaginons maintenant la même entreprise mais qui décide de ne pas adapter la rémunération et donc sera imposée au taux plein de 25%

Le calcul devient :

Résultat imposable 50.000

Cotisation distincte déductible 700 (10% de différence 45-36.000)

Impôt taux plein 25% de 49.300 EUR = 12.325 EUR

Résultat net à affecter : 36.975,00 EUR

Distribution du résultat de 36.975,00 EUR en dividende

Précompte mobilier 30 %, dividendes nets à distribuer : 25.882,50.

En résumé, l’associé unique ou associés, récoltent 25.882,50 net poche sur le bénéfice distribué (qui était au départ et avant tout impôt de 50.000 EUR)

Résumé sur une base de 50.000 de résultat taux plein

2017 pression fiscale 53,8%

2020 pression fiscale 48,3%

Gain total après réforme: 2.779,00 EUR

Ceci démontre plusieurs choses, d’abord que la réforme n’handicape en rien les TPE, par ailleurs en fonction des résultats, l’adaptation de la rémunération à 45.000 EUR ne sera pas forcément pénalisante non plus

Evidemment ici je me positionne dans un cadre redistributif total du bénéfice, mais il correspond à la démonstration souhaitée, à savoir que la réforme reste bien une réforme et que les arguments que j’ai lu et entendu relèvent plus du subjectif probablement par méconnaissance.

Par ailleurs, et là j’optimise, il serait peut-être intéressant dans certains cas de diminuer fortement les rémunérations et opter pour la distribution de dividendes, c’est paradoxalement l’effet contraire de celui recherché qui risque de se produire par la réforme. Et ce même en supportant une cotisation distincte de 10% sur l’insuffisance de rémunération.

Cet exercice ne vaut que si la limite des 13% est bel et bien supprimée dans la réforme, n’ayant pas encore les textes définitifs sous les yeux.

Olivier Baum

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